Ce matin pluvieux, je faisais une randonnée en forêt avec un groupe qui chantait des chansons à répondre, tirées d’un répertoire traditionnel.
En attendant que tout le monde soit là, on jase de tout et de rien… Je retrouve une participante avec qui j’ai déjà un bon contact : elle m’apprend que son prénom et celui de son amoureux sont tirés de la Mythologie, rien de moins! : Cassandre et Ulysse. Tiens, tiens… avec sa sensibilité toute québécoise, je vais la surprendre un peu :
— «Je sais quel autre nom mythique je vais te donner…
— «Ah bon?…»
…la fleur d’Ulysse!»
J’ai vu un sourire radieux s’installer sur son visage…
Ai-je été inspiré de lui faire ce compliment?… Voyons don’, seulement gentil …un brin charmeur, mettons!
Inspiré: ce mot m’a traîné dans la tête. D’où nous viennent nos inspirations?… En sont-elles vraiment?… Y a-t-il des gens inspirés et d’autres pas?…
À moins que…
Des visions de mon enfance
Ça m’a ramené à l’imaginaire religieux hérité de ma famille: il y avait Dieu en haut, et moi en bas, séparés par une ligne de ciel apparemment gigantesque… Un Dieu qui nous aime, mais qui nous juge aussi, et auquel il faut s’assurer de plaire. On m’a dit aussi que j’étais Son fils, créé à Son image. «Curieux… des visions difficiles à superposer…»
Dans ce que je connais de plus près — moi, si tordu que je sois — j’ai toujours considéré mes enfants magnifiques. Bien sûr, en apprentissage de la vie. Je n’ai jamais attendu d’eux qu’ils cherchent à me plaire. Bon…
En tout cas, cette vision de mon enfance m’a longtemps fait imaginer d’un côté les anges, les saints, les prophètes de l’Ancien Testament. Avec eux, à la rigueur, les gens qui avaient reçu un don particulier. De l’autre côté «les autres», le monde ordinaire, moi y compris.
J’attribue à une vision de ce genre le fait qu’on suspecte encore aujourd’hui les gens s’ils manifestent des capacités de clairvoyant, de guérisseur ou d’enseignant spirituel. Il y a dans cette vision aussi l’idée que Dieu aurait parlé aux Humains une fois pour toutes dans la Bible, mais que c’était chose du passé. Enfin, l’idée que «les autres» doivent s’en tirer tout seuls, puisqu’eux ne sont pas inspirés — à moins de circonstances spéciales : avoir passé sa nuit en prière, peut-être?…
Une image déroutante mais séduisante…
Lorsque mes lectures m’ont proposé la vision d’un Dieu qui serait tout ce qui est, et nous à l’intérieur de Lui (ou d’Elle), j’ai sursauté : nous à l’intérieur de Dieu? comme un foetus attaché par un cordon au sein de sa mère?… «Tiens, ce n’est pas si différent de l’idée qui me vient tout naturellement: d’être une branche du Grand arbre divin… J’ai retrouvé cette vision chez les Baha’is. D’une façon aussi chez les Autochtones: ils considèrent la Terre comme un être vivant, qu’ils voient comme leur mère.
Ça m’a pris du temps à trouver l’idée plausible, en même temps elle avait quelque chose de séduisant. Cette hypothèse m’a semblé apporter des éléments de compréhension qui me manquaient encore. L’idée de l’Unité de la vie se mettait en place peu à peu en moi. Ça me rendait plus facile d’envisager qu’il y ait plusieurs portes possibles pour se figurer le monde de ce qui nous dépasse: qu’on puisse parler de la Source de tout ce qui existe dans l’Univers en disant aussi bien Dieu, l’Énergie, la Lumière, la Conscience …ou simplement la Vie. Même des gens qui se considèrent athées ou agnostiques peuvent s’y retrouver…
Les mots de la Bible me sont venus «…créé à Son image et à Sa ressemblance»: ah, là, ça commençait à faire plus de sens. Oui, l’idée d’être une branche du Grand tronc divin, avec Sa sève qui coule en continu dans mes canaux …en autant que je Lui permette de m’aimer, bien sûr.
Quel rapport avec ma petite anecdote?
Repensant à mon jeu de mots de ce matin, je me suis dit que j’étais simplement branché sur mon coeur, réceptif. Ni plus ni moins inspiré à ce moment-là que lorsque j’ai fait des choix devenus décisifs pour ma vie : partir vivre à l’étranger, me marier, adopter des enfants… La seule différence, je la situe plutôt à mon degré d’ouverture à me laisser traverser par le Divin et à choisir des réponses amoureuses à ce qui m’arrive — ou pas : tant de fois je resserre mes boyaux et la sève ne passe plus, ou plus autant… Je suppose que La Vie est bien patiente alors : «meilleure chance la prochaine fois»… Décidément, ces images de cordon ombilical, de branche ou de rivière me parlent…
Clairvoyance, guérison, enseignement… Si l’hypothèse qui précède est fondée, pouvons-nous encore dire : telle personne a un don, et pas les autres? Ou serions-nous inspirés par le Divin dans des moments très spéciaux – au moment d’un geste héroïque par exemple, alors que le reste du temps nous sommes dans la vie ordinaire, banale, bref, sans rapport avec le Divin?…
La Vie ne sait pas séparer
Ma vision a bougé, je le constate. Dans ma façon d’en parler, je remarque que je ne parle plus de gens qui ont un don, mais de gens qui ont réveillé leur don.
Je différencie moins les jours où mon Âme serait endimanchée dans son idéal, et les jours de semaine où elle met son vieux linge rapiécé: la Vie doit bien m’ inspirer sans regarder à mes fringues…
Je me dis que celle qui a l’intuition de sourire à un passant doit bien recevoir la même inspiration que le capitaine en mer à qui il arrive l’intuition de tourner sa longue-vue, apercevant alors un équipage naufragé à secourir.
La Vie, qui ne connaît que l’amour, n’a pas l’air de s’embarrasser des tasses à mesurer…
Comment activer ce dynamisme, s’il est présent à tout instant?…
Se peut-il que la réponse tienne justement à ce mot présent ? — qui a la magie de parler de l’instant, mais aussi du cadeau qui pourrait en surgir, si je choisis d’y croire et d’en adopter l’état d’esprit.
Ça me parle d’être connecté à mon élan vital, à l’affût de ces petits miracles qu’on attrape au compte-gouttes…
…comme de voir apparaître devant moi une dame aux yeux rayonnants qui vient mettre ma journée de pluie en chanson.
Votre commentaire est bienvenu (formulaire, plus bas), surtout s'il provient de votre vécu et peut éclairer notre quête de sens à tous.