Si on n’a pas pu s’identifier à son père ou à sa mère dans sa petite enfance, est-ce qu’on est bien mal parti pour la vie?… Comment se modulent le masculin et le féminin en nous: est-ce fait une fois pour toutes?… Voilà des questions qui gardent longtemps leur mystère, et qui sont la source de bien des mésestimes de soi. Avons-nous trouvé une réponse réconfortante pour nous-même?…
Au sein d’un groupe dédié à la quête de sens auquel je participe, quelqu’un soumettait le point de vue qui suit, et il m’est venu d’y réagir par un témoignage.
Pacifier sa relation avec ses parents
« Être dans sa polarité Yin pour les femmes , Yang pour les hommes nécessite d’avoir pacifié ses relations à ses parents. C’est pourquoi dès le plus jeune âge , l’enfant si c’est un garçon doit pouvoir s’identifier avec son père, si c’est une fille avec sa mère.
Si une femme ne peut s’identifier à sa mère, c’est à dire accepter sa racine-mère, elle va développer un tempérament plus Yang ou plus masculin. Si un homme ne peut s’identifier à son père, c’est à dire accepter sa racine-père, alors il va développer un tempérament plus Yin ou plus féminin. (…)
Pour être en paix et en harmonie avec ses racines qui représentent les relations à son père et à sa mère, l’être humain doit les construire ou les reconstruire. Il doit donc apprendre à pardonner à ses parents, je dis bien apprendre car la route qui mène au Pardon véritable peut être longue si on a une blessure profonde à l’Âme.» — Long Le Van Tran
Long silence intérieur…
Sensible à ce propos, j’ai cru bon de partager à la personne ce qui est monté en moi dans l’instant:
«J’ai lu avec intérêt la réflexion que vous nous apportez sur le masculin et le féminin à l’intérieur de chacun de nous, et les équilibres à y trouver.
Je pense effectivement qu’il s’agit là de deux polarités fondamentales de la vie — du moins de la nôtre au sein de l’Humanité.
J’ai été de ceux qui ont été blessés un temps à craindre d’être un peu foutus, pour avoir eu du mal à créer une relation heureuse avec son parent du même sexe.
Mais j’ai aussi eu des signes comme quoi la vie a bien des tours dans son sac pour changer des lignes courbes en lignes droites ou l’inverse, y substituer des influences qui vont nous marquer — j’ai eu par exemple le modèle de mon frère aîné, qui adolescent savait se faire respecter, et n’a pas tardé à exercer un leadership naturel chez les scouts. Et j’ai si souvent écouté des gens me parler du rôle significatif qu’avait joué un grand-parent comme personne-relais dans leur petite enfance.
Ça ne s’est pas arrêté là pour moi: j’ai eu le bonheur de vivre deux événements décisifs, qui m’ont permis de me réconcilier avec mon aventure familiale, et d’élargir encore non seulement ma compréhension de la vie, mais aussi mon admiration devant certains de ses dynamismes.
Devenir un père pour quelqu’un d’autre
Le premier événement a été, à 15 ans, de rencontrer quelqu’un qui m’a fait connaître Louis Evely, et son livre Amour et mariage.
Quelqu’un lui avait demandé comment on pouvait apprivoiser un jeune à l’idée d’un Père du ciel qui l’aime, s’il n’a pas connu de père dans sa vie humaine [ou de père adéquat]. Sa réponse ne pouvait pas me laisser indifférent: il a répondu: «la seule façon que je connaisse, c’est d’en faire un père pour quelqu’un d’autre».
Oui, cette phrase m’a remué loin au dedans… Je ne me doutais pas que ça deviendrait l’histoire de ma vie, consacrée par la suite à accueillir des enfants très blessés par diverses déficiences, avec la passion de semer des graines de confiance autour de moi…
Peut-être ce parcours a-t-il fait que j’ai pu pardonner à mon père sur son lit de mort.
Aurais-je choisi mes parents?…
Mon deuxième événement marquant a été de connaître un enseignement spirituel qui insistait sur notre caractère créateur face à notre vie: nous aurions une liberté beaucoup plus grande qu’on nous l’a appris — par exemple qu’avant même de naître nous aurions choisi nos parents et les circonstances-clés de notre parcours, tout en ayant dans la suite la liberté aussi d’en changer la trajectoire.
J’ai fait mienne cette hypothèse, qui me paraissait en harmonie avec tout ce que je crois savoir de la vie et de son plan amoureux.
Si bien que j’ai fini par croire que j’ai eu de bonnes raisons de choisir le père que j’ai eu (et réciproquement), probablement pour me provoquer à conquérir l’amour de moi-même et la capacité de pardonner. Dans la suite je n’évoquais plus mon passé familial de la même façon…
Tout ça pour dire que peu à peu j’ai cru comprendre que non seulement il n’est jamais trop tard pour incurver la trajectoire de notre vie, mais que les obstacles rencontrés sont justement ceux qui peuvent nous faire la meilleure école — sans doute pour surmonter les défis que nous avons choisis de placer sur notre route, et ainsi réaliser les conquêtes que nous nous sommes données à vivre. Nous victimiser n’était pas sur notre plan de route…»
Denis Breton
Ω
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