Inhabituel : un film qui sensibilise au trafic sexuel des enfants. Pourtant, il a le souffle d’un roman d’aventure, en plus d’être inspiré d’un fait vécu — l’expérience de Tim Ballard, ex-employé de la CIA, qui en a confirmé la véracité. (1)
J’ai vu le film: bouleversant… Je le classerais volontiers du calibre des productions présentées au Festival de Cannes. Nous sommes tenus en haleine du début à la fin.
J’en suis sorti admiratif pour les figurants, dont les rôles étaient hyper-complexes, chargés en émotions. Je suis revenu impressionné du courage qu’il a fallu pour produire ce film, devant toutes les complicités qu’il met au jour. Et surtout, reconnaissant qu’il alimente l’espoir, sans tomber dans le misérabilisme, sans scènes de violence.
J’encourage le plus grand nombre de gens possible à le voir. Et…
→ …Et aussi à discuter du film, à interroger nos représentants politiques, la presse, …et pour certains, à questionner leurs projets de loisirs ou de voyage dans le Sud.
Un regard citoyen : des personnes cassées
Au long du visionnement, repassait dans ma tête un autre film : celui de mes rencontres au Cambodge, il y a 15 ans déjà, avec une douzaine d’ONG qui font métier de rescaper des jeunes du tourisme sexuel.
J’y ai été amené suite à 20 ans de ma vie d’accueil et d’adoption pour redonner confiance à des enfants qui en avaient manqué. Je voulais mieux comprendre le sens que donnaient ces intervenants à leur action, et j’avais décidé de la faire connaître.
Rencontrés un à un en 2007, ils m’ont aidé à dresser le parcours-type d’un enfant du tourisme sexuel, de son enlèvement jusqu’à sa déchéance humaine quelques années plus tard — sauf si on a pu l’aider à en échapper à temps.
D’abord tout est fait pour le séduire, lui faire miroiter qu’il pourra aller à l’école, devenir même une vedette, aider financièrement sa famille qui vit dans la pauvreté.
L’enfant peut se retrouver à des milliers de kilomètres, avec des gens qui ne parlent pas sa langue, soumis aux pratiques sexuelles les plus dégradantes…
Je me souviens d’avoir pu comprendre un pivot dans ce parcours : aussi longtemps qu’une jeune fille, par exemple, peut encore envoyer de l’argent à sa famille, elle a une raison de se dire que son esclavage n’est pas vécu pour rien. Mais si elle franchit l’étape — habituelle — qu’on la drogue jusqu’à la dépendance, alors tous ses revenus y passent. Les ponts avec la famille se coupent, l’alibi auquel elle s’accrochait de rester solidaire avec elle ne tient plus: elle en vient à se détester. Alors le désespoir prend le dessus…
Si vous souhaitez mieux comprendre la dynamique du trafic des personnes dans les pays moins favorisés, je vous invite à consulter le reportage que j’en ai fait en 2008 dans le Site Grandir, toujours disponible en ligne. (2)
Je vous invite à me suivre à la partie 2 de cet article. Elle propose un diagnostic d’ensemble sur le trafic d’enfants, puis conclut sur des exemples encourageants et croissants de prise en main de la situation ici et là.
Denis Breton
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(1) The Sound of Freedom (bande-annonce, 2023)
(2) Dynamique du trafic des enfants : http://www.sitegrandir.com/AenfantsLevant_00.htm