Carnet du désert — 6/6: Sahara, je t’ai dans la peau

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Sahara, tu ne m’as pas laissé le temps de défaire mes bagages

Ta tempête a rugi, m’a entraîné dans ta danse

Ton sable s’est infiltré partout : dans mes vêtements, dans mes yeux, …jusque dans dans ma fascination de ta force, un portail pour m’émerveiller encore de la vie

Je t’avais juste pour moi devant ce lever de soleil, vers lequel j’ai couru, pieds nus, pour monter sur la plus haute des dunes et n’en rien manquer

Mais juste pour moi c’était trop, Sahara, ‘ fallait que je te partage, que je dise ton silence et autant ta bourrasque, que je dise ton mouvement incessant à te réinventer, dune nouvelle après dune

  ‘Fallait que je parle du bédouin, Ahmed, dont le regard perçait ce silence ou cette furie des vents.
Les mots étaient futiles pour lui : il me regardait dans les yeux et ça devenait la fête, mes braises étaient soudain activées. Pas besoin des mots qui nous auraient gardés à distance l’un de l’autre, emprisonnés dans nos têtes. Cette communion heureuse de l’instant suffisait

‘Fallait que je parle du dromadaire qui m’a lancé en hauteur tandis que je m’agrippais au pommeau de sa selle
Lui que j’avais bonheur à retrouver à l’autre bout de cet espace géant, chaque fois que j’allais saluer le soleil couchant
Nous étions museau contre museau, nous échangions notre haleine
On aurait dit qu’il savait déjà tout de moi

‘Fallait que je dise un mot des rencontres vécues cœur à cœur
avec ces gens de partout, attirés sous une même tente, guidés par une commune humanité, une même soif du sens,
De semblables passions nous ont réuni, et de pareilles déchirures,
à nous être frottés à ce que nous avons pris pour la vie et qui parfois n’était que survie,
attirés mystérieusement vers les mêmes levers de ton soleil

Et comment garder pour moi tout seul cette trouée de lumière qui m’a happé par surprise
lorsque Jeshua, l’homme des 40 jours au désert de Judée, s’est adressé à moi pour saluer notre complicité de toujours
Tous les déserts du monde n’auraient pu contenir l’émotion qui alors m’a étreint
Mon désert du dedans, pacifié de sa tendresse, le pouvait maintenant : je l’ai savourée

Oui, Sahara, besoin de dire à d’autres la fête de cette échappée hors du temps programmé
où je n’ai que gratitude pour la Vie …et pour le Petit Prince de St-Exupéry
Je reviens un peu plus apprivoisé à mes Saharas intérieurs sans les craindre
confiant plus que jamais qu’ils m’attendaient pour fleurir, comme tu m’as attendu 50 ans pour venir
et sachant qu’ils sont beaux parce qu’ils cachent un puits quelque part  

Denis Breton
FIN DU CARNET

4 réflexions au sujet de “Carnet du désert — 6/6: Sahara, je t’ai dans la peau

  1. Je suis émerveillée par ton ‘reportage’ sur le désert.
    Sublime, profondément touchant; je pleure rarement mais j’ai eu une larme dans ton passage sur Jeshua; je le sentais directement, il m’a semblé.

  2. Je viens de terminer la lecture de ton séjour dans le Désert, c’est un vrai délice de te lire. Tu as la plume facile et élégante. De plus tu as été capable de mettre en mot une partie de ce que j’ai moi-même vécu et vraiment c’est fascinant.

    Merci pour cet écrit plein de bienveillance et de douceur.

  3. Salut Denis,
    Tu as promis de nous partager les récits de ton voyage, tes rêves de près de 50 ans. Je te remercie pour avoir tenu ta promesse.
    Tu es revenu « ambassadeur » de notre magnifique Afrique, de notre merveilleux Sahara. Lorsque nous parlerons de défis d’avoir de l’eau et de faire pousser des plantes, de questions liées à la protection de nappes phréatiques, de chaleur, de tempête de sable, de dune, tu seras notre ambassadeur. Tu n’auras plus les mêmes regards sur ces enjeux. J’espère que Sahara a rempli ta quête de sens, tes rêves les plus fous.

    1. Bonjour Marie-Ange,
      Ton commentaire sur ma vision de cette expérience vécue au Sahara me réconforte beaucoup.
      Comme ça doit demander du courage, quand on vient d’Afrique comme toi, pour accueillir l’évolution du monde avec cette transition de saccage et de guerres qui a particulièrement affecté votre continent.
      Ta résilience fait mon admiration.
      Cramponnons-nous à notre foi en l’avenir, car c’est en train de changer. Déjà des morceaux de lumière fusent de partout, j’en ai plein sur mes vêtements intérieurs déjà, et plusieurs me sont venus de toi…

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